Géothermie en Allemagne

«Les services industriels doivent envisager la géothermie»

22.02.2017

Pour la Présidente de la Confédération Doris Leuthard, la géothermie représente une « formidable source d’énergie ». La Confédération a rempli sa mission car elle a concrètement amélioré le cadre institutionnel. La ministre de l’énergie lance un appel aux services industriels afin qu’ils saisissent l‘opportunité d’utiliser cette ressource. Si le oui à la stratégie énergétique l’emporte, Doris Leuthard espère un véritable boom. Et elle recommande à la branche : restez engagés, restez engagés, restez engagés.

Madame la Présidente, est-ce que vous trouvez la géothermie super ?
Doris Leuthard: Oui, elle a beaucoup à offrir – de la faible à la grande profondeur.

Pourquoi donc ?
La géothermie fournit de l’énergie en ruban tout au long de l’année. Elle ne dépend pas de la météo. En outre, elle s’utilise de manière extrêmement polyvalente. La géothermie peut produire de l’électricité, fournir de la chaleur ou même du froid et est, dès lors, une formidable source d’énergie.

Quels rôles joue la géothermie dans la stratégie énergétique 2050 ?
Nous connaissons la géothermie peu profonde depuis longtemps. Bien avant l’élaboration de la stratégie énergétique 2050, nous savions qu’il serait judicieux d’aussi utiliser la chaleur du sous-sol à plus grande profondeur. Si nous pouvions puiser dans cette réserve en complément de l’hydroélectricité, de l’énergie solaire et éolienne et de la biomasse, de nombreux problèmes seraient résolus.

Bundespäsidentin Doris Leuthard im Gespräch mit Geothermie-Schweiz © Marco Zanoni / Lunax

La Présidente de la Confédération Doris Leuthard en dialogue avec Géothermie-Suisse. © Marco Zanoni / Lunax

Se laisse-t-elle exploiter ?
Chaque technologie a ses avantages et ses inconvénients. Nous ne savons jamais au départ si le marché, la population et la nature vont collaborer. Avec la géothermie nous avons à traiter d’opportunités et de risques – je pense aux tremblements de terre – qui sont associés. Mais il serait faux de ne pas tout entreprendre pour permettre l’exploitation de cet énorme potentiel de chaleur. Si cela fonctionne, cela serait très utile pour l’approvisionnement énergétique suisse.

Et que dites-vous à ceux qui ont peur des tremblements de terre ?
Je peux comprendre les craintes. Mais si l’on n’ose rien, nous ne gagnerons rien. Nous vivons en Suisse avec un haut niveau de prospérité et beaucoup de choses qui fonctionnent très bien.   Nous ne sommes pas vraiment à l’aise avec des changements qui comportent des nouveaux risques. La géothermie profonde n’est pas sans risques. Ce qui est important, c’est de réduire ces risques à leurs stricts minimums. Cette obligation prévaut partout, même dans les barrages, le transport de chlore par rail ou dans la circulation routière. La priorité absolue est de donner une information complète et une transparence absolue. Saint-Gall l’a bien fait et a démontré qu’une certaine acceptation du risque par la population est possible. La crédibilité du porteur de projet est un facteur clé de succès.

Dans le Canton du Jura,  des citoyens récoltent des signatures pour une initiative populaire contre la géothermie.
Que l’acceptation de la géothermie ou de l’énergie éolienne ne soit pas acquise partout est lié avec notre bonne situation. Avec l’électricité comme pour le chauffage aussi, nous ne connaissons pas encore de difficultés d’approvisionnement. Souvent, les gens ne réagissent que lorsque la pénurie est possible.

Et est-elle possible ?
Pas aujourd’hui. Mais cela peut changer. Avec la stratégie énergétique 2050, nous voulons renforcer la part des énergies renouvelables en Suisse et réduire notre dépendance aux pays étrangers. Par conséquent, il vaut la peine d’explorer le potentiel de l’énergie géothermique. La surcapacité de production électrique actuelle en Europe ne durera pas. Pour convaincre les gens, nous avons besoin d’un grand succès sur un projet. J’espère vivement qu’un tel succès surviendra bientôt.

A qui pensez-vous ?
Par exemple au projet de Geo-Energie Suisse à Haute-Sorne dans le Jura ou à ce qui est mené dans le Canton de Genève. Dans l’ensemble, nous avons environ 20 projets à divers stades de développement. C’est pourquoi je dis : restez engagés, restez engagés, restez engagés !

Combien de projets devrait-il y avoir pour atteindre l’objectif de 4,4, térawatt heures d’électricité en 2050 fixés par le Conseil fédéral ?
Le gouvernement fédéral ne fait pas de politique industrielle. Nous avons estimé une possibilité réaliste et créé le cadre nécessaire. La Confédération soutien également la recherche et le développement. C’est donc maintenant à l’économie de générer des projets.

Alpiq, Axpo et BKW ont abandonné l’énergie géothermique. Où sont les investisseurs potentiels ?
La sortie des grandes sociétés d’énergie n’est pas un non à la géothermie. Actuellement, ces sociétés ont d’autres priorités pour des raisons économiques. J’encourage les services industriels à lancer de tels projets. Déjà impliqués dans l’électricité, le chauffage et le rafraîchissement et aussi localement bien ancrés.  Par ailleurs, il y a des sociétés d’investissement qui pourraient fournir les capitaux requis pour la géothermie.

Est-ce un appel aux services industriels ?
Ils seraient les partenaires idéaux. Nous avons plus de 140 villes. Leurs services industriels sont agiles et devraient envisager cette source d’énergie.

Votre municipalité de Merenschwand dans le canton d’Argovie n’est pas une ville. Mais est-ce que Elektra Merenschwand ne devrait pas entendre l’appel de sa Conseillère fédérale ?
Notre entreprise communale fait déjà beaucoup pour la transition énergétique. Nous avons construit une usine de copeaux de bois et avons équipé le toit de notre nouveau gymnase d’une installation solaire. Malheureusement les conditions des eaux souterraines ne nous permettent  pas de compter sur la géothermie. Si Elektra Merenschwand avait décelé une opportunité géothermique, ils s’y serait engagée !

Même si la municipalité avait dû s’engager au minimum pour un capital-risque de 10 millions de francs ?
Mon expérience montre que s’il a une valeur locale, la population soutient ce type d’investissement.

Bundespräsidentin Doris Leuthard mit Willy Gehrer, Präsident Geothermie-Schweiz (rechts), und Jürg Abbühl, Generalsekretär Geothermie-Schweiz. © Marco Zanoni / Lunax

La Présidente de la Confédération Doris Leuthrad avec Willy Gehrer, président de Géothermie-Suisse (à droite), et Jürg Abbühl, secrétaire général de Géothermie-Suisse. © Marco Zanoni / Lunax

Utilisez-vous la géothermie dans votre maison ?
Nous avons une pompe à chaleur air-eau. A cause des eaux souterraines et d’un sous-sol sablonneux il ne nous était pas possible d’installer de sondes géothermiques.  Nous avons dû construire notre maison sur pieux. La maison est située sur un banc de sable, mais ce n’est pas pour autant que nous avons une plage devant chez nous (rires).

Et où en est l’administration fédérale en matière de géothermie ?
L’administration fédérale fait beaucoup. L’important centre administratif de Berne-Liebefeld se chauffe avec des pompes à chaleur sur une nappe d’eau souterraine,  le bâtiment du DETEC à Ittigen grâce à la chaleur d’eau de source et la cinémathèque suisse à Penthaz avec un champ de sondes géothermiques. Pour citer un autre exemple, le système de chauffage du nouveau centre administratif de Berne-Wankdorf en cours de construction repose sur une combinaison sophistiquée d’utilisation de chaleur résiduelle, d’énergie géothermique et de rafraîchissement grâce à l’eau de pluie.  Le rafraîchissement grâce à la géothermie est un sujet d’actualité. Roche Diagnostics à Rotkreuz se rafraichit d’ailleurs de la sorte.

Le 21 mai prochain, la Suisse se prononcera sur la stratégie énergétique 2050. Que signifierait pour la géothermie un non à cette votation ?
Cela signifierait la fin de la géothermie profonde en Suisse.  Il est difficile d’imaginer que l’économie investisse sans contributions pour l’exploration ni garantie de risque étendue, et sans une reprise à prix coûtant.  Un non signifierait surtout plus d’électricité et d’importations énergétiques de l’étranger, une baisse de l’offre et la fin du programme pour les bâtiments. Mais c’est une fausse question.

Dès lors, qu’est-ce qui est juste ?
Que se passera-t-il une fois que la stratégie énergétique 2050 aura été adoptée ? Avec un oui l’énergie renouvelable fera un grand pas en avant. Cela générera des investissements et de l’emploi en Suisse. En matière de géothermie, j’espère même un véritable boom.

Dans le domaine de l’énergie géothermique de faible profondeur, la Suisse est un des leaders mondiaux. A l’étranger, il y a parfois de l’intérêt pour notre expertise. Voyez-vous là l’opportunité d’exporter nos connaissances ?
Absolument ! Notre pays a beaucoup de connaissances en matière d’énergies renouvelables. Je ne peux que soutenir l’idée de suivre ce chemin. Le gouvernement fédéral dispose par le biais de Switzerland Global Enterprise d’un outil de promotion des exportations approprié. Utilisez-le !

Interview: Willy Gehrer, Jürg Abbühl

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