Un halo lumineux dans l’obscurité du sous-sol suisse
19.12.2018Suisse énergie, l’OFEN et swisstopo ont mis sur pied une banque de données géothermiques centrale dans le cadre du projet commun «GeoTherm». Des cartes interactives fournissent des informations gratuites et libres d’accès sur des projets de géothermie profonde, des forages à plus de 500 mètres de profondeur et des études régionales de potentiel géothermique.D’autres cartes et applications sont prévues. Olivier Lateltin, responsable du Service géologique national, s’exprime dans un entretien sur la disponibilité restreinte des données géologiques et sur les projets d’avenir de swisstopo.
En janvier 2016, Suisse énergie, l’Office fédéral de l’énergie (OFEN) et le Service géologique national de l’Office fédéral de topographie (swisstopo) ont lancé le projet «GeoTherm». But conjoint: créer une banque de données nationale pour la géothermie, traiter les données sur le plan cartographique et les mettre gracieusement à disposition sur le site de la Confédération à l’attention de toutes les parties intéressées (autorités, spécialistes, investisseurs et investisseuses, chercheurs et chercheuses, propriétaires). Après trois années de travail intensif, des applications cartographiques sont désormais disponibles, fournissant ainsi des bases précieuses aux personnes intéressées par la géothermie et aux initiateurs et initiatrices de projets potentiels.
Collecter, ajuster et harmoniser les données
Le point fort du projet «GeoTherm» est de procéder à l’état des lieux et à l’illustration de l’ensemble des projets de géothermie profonde, de forages profonds et d’études de potentiels géothermiques en Suisse. Les données utilisées à cet effet sont issues des projets «GeoMol» et des archives géologiques de swisstopo. Le projet «GeoTherm» a réuni l’association «Géothermie Suisse, les universités regroupées au sein du «Swiss Competence Center for Energy Research, Supply of Electricity (SCCER-SoE)», les cantons ainsi que quelques entreprises privées. Dans le cadre du projet, toutes les données disponibles et accessibles au plan juridique ont été regroupées, examinées, harmonisées, ajustées avec des données existantes et, enfin, sauvegardées dans les banques de données de swisstopo. Les documents de sources analogiques se sont révélés être de précieuses sources d’information (surtout concernant d’anciens forages profonds).
Trois cartes sur la géothermie – en ligne et gratuites
Avec l’ensemble des données regroupées, le projet «GeoTherm» a publié trois nouvelles cartes. La première illustre les 50 projets de géothermie profonde en cours en Suisse et fournit des informations sur leur état d’avancement respectif, le type de géothermie ou encore le mandant. La deuxième regroupe au total 182 forages profonds et fournit leurs coordonnées, des données sur leur profondeur ou les détenteurs des droits des données. Enfin, la troisième illustre les 37 études régionales inventoriées sur le potentiel géothermique de la Suisse. Ces trois cartes permettent, pour la première fois, de télécharger librement et gracieusement des données sur des projets et forages profonds ainsi que sur des études de potentiel géothermique.
Accès aux cartes et données géothermiques sur le portail fédéral map.geo.admin.ch
Entretien avec Olivier Lateltin, responsable du Service géologique national, membre de la direction swisstopo et membre du Comité directeur de Géothermie Suisse
Olivier Lateltin, durant trois années, l’équipe du projet «GeoTherm» a collecté et harmonisé des données, et les a publiées sous forme de cartes. Quel profit peut-on en tirer?
Cela dépend. Avec cela, nous fournissons aux planificateurs de projets, aux entreprises de forage ou encore à des experts et expertes en énergie du matériel de base pouvant être exploité dans le cadre d’études de faisabilité. Ni plus, ni moins. Notre mission n’est pas de concurrencer l’économie privée, mais au contraire d’agréger des données existantes.
Et quel profit peuvent en tirer des «non professionnels»?
Avec les cartes publiées, une autorité d’une grande commune ou un investisseur disposent d’un instrument leur donnant un aperçu des études, des forages et des projets existant dans leur région. Jusqu’à présent, cela n’était pas possible du fait que les données étaient éparses, inaccessibles ou hétérogènes.
Quiconque parcourt les cartes en cliquant le remarque: pour de nombreux forages, seules les données brutes, si déjà, sont accessibles. Pourquoi?
C’est effectivement frustrant. Pour nombre de forages, les droits relatifs aux données brutes, surtout concernant les évaluations, appartiennent exclusivement aux entreprises concernées. Parfois, à swisstopo, nous pouvons négocier avec les détenteurs des droits, afin qu’ils approuvent la publication de leurs données, ou tout au moins une partie d’entre elles, mais cela ne réussit pas toujours. De plus, le fait que chaque canton réglemente par sa propre législation l’utilisation du sous-sol et l’usage des données géologiques ne simplifie pas les choses. Par chance, les milieux politiques ont enfin réagi à cette situation.
Dans quelle mesure?
Dans sa réponse à un postulat correspondant, le Conseil fédéral a recommandé récemment des standards unifiés quant à la manière dont les données géologiques doivent désormais être saisies et échangées, et ce, au niveau national. En d’autres termes, cela signifie que quiconque demande une aide d’encouragement publique pour un projet de géothermie à compter du 1er janvier 2018, est tenu de mettre les données brutes des forages à disposition de swisstopo, respectivement du public.
Cela semble une étape importante. Comment est-ce réglé dans d’autres pays?
De différentes manières. En Allemagne, par exemple, la situation est aussi relativement compliquée. Les Pays-Bas sont, par contre, exemplaires: toutes les données géologiques y sont centralisées. Quiconque procède à un forage est tenu de publier les données y relatives.
Le projet «GeoTherm» est achevé. Quelle est la suite?
«GeoTherm» n’est achevé qu’en tant que projet. Les tâches y afférentes sont poursuivies dans le cadre du Service de géologie nationale, car les données, les cartes et les modèles géologiques 3D doivent être mis à jour en continu.
Projetez-vous d’établir de nouvelles cartes?
Oui, et nous avons même déjà bien avancés. Mi-février 2019, nous allons mettre en réseau 12 autres cartes – cartes des isothermes, cartes de profondeur, cartes des horizons des formations dans la région du bassin molassique, cartes des flux thermiques et autres. À l’avenir, nous publierons aussi des données géophysiques et sismiques. Par principe, plus nous avons de données et plus il y a de forages, plus nos modèles 3D seront fiables.
Que vont permettre de faire toutes ces données et ces nouvelles cartes?
Dès aujourd’hui, par exemple, à un endroit quelconque du Plateau suisse, il est possible de procéder à un forage virtuel à travers les couches rocheuses du sous-sol, et ce, avec un degré d’exactitude moyen de 5% sur trois kilomètres de profondeur. Cela est naturellement encore trop imprécis pour pouvoir déjà renoncer à des forages exploratoires lors d’un projet géothermique. Cependant, cela fournit des informations importantes permettant de mieux apprécier les potentiels du sous-sol ou encore sommairement l’aspect financier du projet. À moyen terme, nous serons en mesure aussi d’illustrer des réservoirs potentiels d’eau chaude, ou encore les capacités de stockage dans des roches meubles. Certes, c’est encore de la musique d’avenir!
Pour tout renseignement complémentaire
Géologie-news no 3, novembre 2018
Communiqué de presse du 7 décembre 2018 «Le Conseil fédéral veut de meilleures données pour la planification du sous-sol»
Rapport du Conseil fédéral «Données géologiques relatives au sous-sol»